D’un bond, l’homme descendit de sa jument. Ses bottes noires soulevèrent une fine couche de poussière, dans un bruit mat. La bride passée à son bras, Lelfenoir flattait les flancs du cheval à la robe clair tandis qu’il observait le large portail fortifié qui, marquant devant lui l’entrée du domaine imposant, semblait défier le nouvel arrivant.
La nuit et son manteau sombre allaient tomber sur les plaines bretonnes. Le soleil n’était plus qu’un demi-cercle de feu rougeoyant derrière l’horizon vallonné, éclairant encore un peu les nuages qui reflétaient les tons des rouges et oranges. La lune, presque entièrement ronde, se préparait à prendre la place, pour la nuit, à prendre la place du roi des astres qui la cachait de son éclat durant le jour.
Il avança lentement, la bride à la main, en observant toujours les lieux. Il n’avait que trop tardé. Dans son stupide et orgueilleux désir d’indépendance, il avait ignoré l’offre qui s’offrait à lui depuis longtemps, depuis ce 14 février 1457, jour heureux de son mariage avec Mimilia, membre de l’importante famille bretonne. Il avait ignoré le désir de sa femme, qui, sans trop le pousser, le voulait voir frapper à la porte du château, le voulait voir porter son propre nom.
Il s’en voulait d’avoir attendu. Attendu que le patriarche vienne à lui. Attendre sa proposition d’intégrer le conseil familial. Il s’en voulait de ne pas s’être présenté plus tôt devant l’imposante porte, que le faible éclat de la lune n’éclairait que trop peu, rendant plus sombre encore les remparts qui le surplombaient. Le château lui sembla, alors que le vent fort soufflait et faisait claquer les nombreuses bannières aux couleurs de la famille Monfort, impressionnant.
Arrivant à quelque pas de la lourde porte, il héla à l’aveugle à la recherche d’un garde posté dans les environs.
Ola ! Il y a quelqu’un ?
Sans attendre, il annonça…
Je suis Lelfenoir, arrivé de Vannes, époux de Mimilia de Monfort-Laval, attendu par celle-ci et par le patriarche Elfyn de Monfort…